L’assurance peut-elle sauver le monde ?
Le titre de cet article est un brin provocateur mais pas tant que ça. Juste avant l’été (juin 2024), le cabinet Prophil et la fondation Seabird Impact, en collaboration avec la chaire Mapmondes, ont publié une étude passionnante intitulée Assurance et post-croissance. Elle dresse un panorama particulièrement complet et détaillé des axes de travail par lesquels les acteurs de l’assurance peuvent jouer un rôle dans la transition vers l’économie régénérative, ce que l’étude appelle “un monde en post-croissance”.
L’un des nombreux mérites de cette étude consiste à proposer une grille de lecture de ces différents axes, qui regroupe aussi bien :
Le cadre d’analyse et le vocabulaire de l’assurance, en considérant la question de l’analyse du risque décomposée selon trois paramètres : l’aléa, la vulnérabilité et l’exposition.
Notons au passage que cette question de l’analyse du risque est partagée avec les acteurs de la transition écologique dans la mesure où la crise écologique représente toute une série de risques pour l’humanité. Le GIEC reprend ainsi à son compte dans ses rapports cette analyse du risque selon l’aléa, l’exposition et la vulnérabilité.
Le cadre d’analyse et le vocabulaire de la transition écologique, à travers les 3 actions clés que sont l’atténuation, l’adaptation et la restauration.
L’étude est ainsi décomposée en trois grandes parties, Atténuer, Adapter, Restaurer, composées de chapitres thématiques qui constituent des axes de travail regroupant différentes initiatives possibles. Elle peut donc être utilisée par les acteurs de l’assurance pour analyser leur propre situation, définir leur stratégie d’impact, leurs axes d’innovation, leur plan de transformation ou de transition régénérative.
Pour les aider en ce sens, il nous semble qu’une nouvelle dimension de structuration peut être ajoutée. Elle consiste à distinguer différentes catégories d’actions typiques du métier de l’assurance et qui reposent sur 2 niveaux de lecture :
Le premier niveau regroupe les domaines d’activité par lesquels les acteurs de l’assurance produisent un impact sur les autres acteurs de l’économie et de la société, à savoir :
Assurer
Financer
Communiquer, pour faire de la prévention, promouvoir, militer ou influencer
Proposer des services, qu’ils soient payants ou gratuits.
Le second niveau concerne plutôt les changements à adopter dans la manière de travailler des acteurs de l’assurance :
Innover dans la création des offres, les business models, le fonctionnement des contrats, les clauses, etc.
Innover dans la gouvernance, la comptabilité, le reporting.
Par rapport aux enjeux de la transition régénérative, la question est alors d’identifier quel type d’action des acteurs de l’assurance produit quel type d’impact sur l’environnement, l’économie, la société. Du côté des impacts, nous pouvons envisager une liste d’enjeux qui mixte la vision de l’analyse du risque selon l’aléa, l’exposition et la vulnérabilité, avec la vision de la transition écologique en termes d’atténuation et d’adaptation, auxquels nous ajouterons la question de la préservation et de l’augmentation de l’assurabilité.
Notons simplement que nous réunissons ici les activités de restauration et celles d’atténuation.
Du côté des actions, nous avons aussi réuni la promotion et la proposition des services.
Cette grille de lecture, nous permet de faire l’analyse suivante des initiatives listées dans l’étude de Prophil et Seabird Impact (la pagination est celle de l’étude) :
Que nous apprend ce tableau (pour autant qu’il soit juste !) ?
Il nous permet tout d’abord de réaliser que par leur activité et leur offre d’assurance à proprement parler (Axe 1 : Assurer), les assureurs peuvent agir directement sur l’aléa du risque en l’atténuant. C’est certainement un impact et une manière de voir les choses que les assureurs sous-estiment et qui mériteraient d’être développés. Cet axe a par ailleurs l’avantage d’augmenter le champ de ce qui est assurable. Et il a également le co-bénéfice d’offrir aux assureurs qui le développent des opportunités en matière de communication, de reporting, voire de comptabilité extra-financière !
Dans un deuxième temps, on peut constater que l’innovation dans la technique des offres et des contrats (c’est-à-dire la manière dont ils sont conçus (actuariat, tarification, analyse des risques…) ou selon leur business model, leurs clauses, etc.), est sans doute le meilleur moyen de préserver l’assurabilité des risques pour la société. Cette innovation permet également de jouer sur les autres impacts (atténuation des aléas et adaptation).
Troisième enseignement : la prévention et l’offre de services est certainement le domaine dont le champ d’impact est potentiellement le plus large. Il peut être mis au service de n’importe quel enjeux (adaptation-atténuation, aléa-exposition-vulnérabilité) et même contribuer à la préservation de l’assurabilité.
Quatrième enseignement : par leur activité d’investissement, les assureurs peuvent également influencer fortement l’atténuation de l’aléa, ou bien renforcer aussi l’adaptation.
Enfin, la gouvernance est un levier clé de conviction et de mobilisation des parties prenantes afin de faciliter la mise en œuvre et l’efficacité des axes précédents.
Finalement, ce que nous permet de réaliser cette étude, c’est qu’il existe toute une gamme d’innovations et de transformations possibles par lesquelles les assureurs peuvent avoir un impact énorme sur la transition écologique et sociale. L’étude consacre d’ailleurs plusieurs pages à expliquer le rôle clé de l’activité d’assurance pour la bonne marche de l’économie et de la société dans son ensemble. L’assurance ne se contente pas seulement d’accompagner l’évolution de l’économie, elle peut aussi influencer cette évolution.
Alors, certes, l’assurance n’est pas seule à agir, mais elle peut en tout cas fortement contribuer à sauver le monde ! Elle en a le potentiel et même la responsabilité ! C’est en tous cas notre conviction et notre mission chez Acovia : aider les assureurs à sauver le monde ! ;-)